Emplois du temps

2 mars 2016

Emplois du temps

Les passionnées de tricot ne me contrediront pas : on tricote dès que l’on a un moment, tous les jours ou presque. Mais chacune a aussi sa routine personnelle, ses horaires privilégiés. Je me souviens d’une brodeuse, dont l’entretien est paru dans un magazine il y a de nombreuses années, qui réalisait des nappes finement travaillées. Rondes ou carrées, elle les commercialisait à petite échelle. Je n’ai plus de photos de ces beaux ouvrages. Mais ce n’est pas leur beauté que j’ai retenue, au point de m’en souvenir des années durant, mais l’emploi du temps de la brodeuse. Elle travaillait à domicile et consacrait 5h par jour à sa broderie, de 7h à 12h. Elle se réveillait avec un petit café, ou un thé je ne m’en rappelle plus très bien, servi au lit par son mari. Et puis elle attrapait son ouvrage et brodait toute la matinée dans son lit, tranquillement, en écoutant de la musique ou la radio. Cela me semblait une vie rêvée, pleine de poésie, de confort et de tendresse.

J’avais aussi, à cette époque, une vie rêvée, travaillant dans un archipel du Pacifique, le Vanuatu, où le climat est tropical, les paysages sublimes et la population gaie et généreuse. Je séjournais de longues semaines dans une île du nord où les femmes tissaient de merveilleuses nattes en brin de pandanus, qu’elles teignaient ensuite de grands motifs pourpres.

La confection de ces nattes qui sont de vraies œuvres d’art, ne les occupaient pas 5h par jour mais elles y travaillaient quotidiennement, principalement le matin au réveil avant de partir aux jardins et parfois le soir. Elles me disaient que ce moment était paisible et qu’elles aimaient entrelacer leurs brins à la fraicheur du matin alors que les enfants et le mari dormaient encore ou se réveillaient à peine. Elles s’asseyaient sur un siège bas, les jambes allongées, près d’un petit feu de bois où un plat de tubercules se réchauffait et elles tissaient silencieusement avec une grande dextérité. Le décor était différent de celui de ma brodeuse de nappes mais l’atmosphère était elle aussi pleine de quiétude et de tendresse.

Aujourd’hui où la passion du tricot m’a prise toute entière je repense à ces femmes, travaillant tranquillement chaque matin à un ouvrage textile avant la ruée engendrée par les milles occupations de la vie. Une bien belle façon de commencer sa journée en réalisant de jolies choses qui viendront embellir la maison ou apporter un peu de joie à ceux qui les recevront. Moi aussi finalement, je tricote le matin au réveil, en buvant un thé ou un café (ça dépend !) et en écoutant tranquillement les nouvelles du monde sur ma radio préférée (ça parfois, c’est moins réjouissant….). Bien souvent je pense alors à toutes ces femmes qui, de part le monde, sont elles aussi penchées tranquillement sur un ouvrage - tricot, broderie, tissage ou autre - qu’elles avancent patiemment dans la quiétude du petit matin. .

C’est ainsi que mon ouvrage avance. J’en suis au tricotage des manches que je réalise ensemble pour ne pas avoir de différence dans la longueur. Elles sont en jersey, c’est fastidieux et, pour apporter un peu de changement, je réalise deux pulls à la fois : l’un est le cardigan Foxglove de Kate Davies; l’autre une création personnelle utilisant la belle laine Ulysse de chez Rerum Natura. En alternant l’un et l’autre, chaque matin, j’ai rêvé du jour où les quatre manches seraient terminées et où je pourrais enfin commencer les empiècements, si amusants à tricoter. Et ce jour est arrivé. Il ne reste plus qu’à joindre corps et manches et en avant pour la suite et fin de ces deux tricots !